Face aux challenges environnementaux, sociétaux ou économiques qui nous attendent, nous avons tous, même les plus sceptiques d'entre nous, un seul mot à la bouche: l'adaptation.
L'adaptation est la capacité à changer pour mieux correspondre à ou mieux supporter un environnement ou une situation. Cela recquiert une flexibilité, de la souplesse, et de la créativité.
Et pourtant la technologie, parfois invoquée comme salvatrice, en s'infiltrant chaque jour plus intimement dans nos quotidiens, nous prive petit à petit de notre capacité innée et essentielle d'adaptation.
Ce détachement de notre sens de l'adaptation n'est pas une caractéristique intrinsèque de la technologie, ni son intention principale, mais la conséquence des comportements qu'elle induit chez nous.
La technologie n'est pas la solution (ni le problème), mais ce qu'on en fait fera pencher la balance d'un côté ou de l'autre de la bascule environnementale.
Revenons-en à nos clous
Commençons par cette citation que l'on doit à Abraham Maslow (en plus de sa célèbre pyramide) : “Si le seul outil que vous avez est un marteau, vous tendez à voir tout problème comme un clou.”. En généralisant le marteau à la technologie, le constat est que l'utilisation de la technologie uniformise notre rapport à notre environnement quotidien et nous coupe des autres ressources et outils innés que nous avons à disposition.
Voici quelques exemples pouvant paraître insignifiants mais illustrant l'évolution de nos comportements sous l'influence de la technologie : avec l'utilisation systématique du GPS, on ne développe plus son sens de l'orientation, avec l'automatisation des voitures on ne sait plus les réparer nous-même, avec les téléphones portables on ne retient plus les numéros de téléphones de ses proches.
Bien sûr, dans la plupart de ces cas, la technologie nous permet de faire certaines choses plus vite, et il n'est pas question de prôner un retour à l'âge de pierre, simplement de questionner certains de nos usages technologiques et leur fréquence.
C'est paradoxal...
Car si la technologie nous permet de faire certaines choses plus vite ou plus efficacement, il est très rare que nous gagnons effectivement du temps ou des ressources à l'utiliser. C'est le paradoxe de Jevons, aussi connu sous le nom d'effet rebond. En effet il est fort courant de constater que les avancées technologiques qui devraient nous faire économiser du temps/de l'argent/des ressources résultent rarement en une quelconque économie car l'usage de cette technologie change nos comportements pour finalement utiliser plus de ressource, à budget financier ou temporel constant.
L'exemple le plus parlant de ce paradoxe est la voiture individuelle. Toujours plus rapide (parcourant toujours plus de km par heure), toujours plus efficace énergétiquement (consommant chaque fois moins de carburant par km), et pourtant au lieu de gagner du temps ou de l'argent, son conducteur parcourt juste plus de kilomètres, pour une moyenne de temps de trajet par jour à peu près constante à travers les âges que ce soit à pied, à cheval ou en deux chevaux.
Pas de Magie!
Ce qui fait qu'aujourd'hui la phrase “mais j'ai besoin de ma voiture!” est si courante, est qu'il est bien entendu impossible de vivre exactement de la même façon avec et sans voiture individuelle. Cela vaut également pour d'autres béquilles technologiques qui ont tranformé nos quotidiens.
Et c'est précisément lorsque la technologie passe de soutien à dépendance qu'elle nous aliène et nous prive de nos capacités d'adaptation tout en nous privant de notre liberté.
Car en supprimant artificiellement les contraintes, la technologie nous prive de notre créativité.
De la contrainte nait la créativité
Reprenons l'exemple de la voiture indivduelle : cet outil surdimmensionné et sursubventionné, permettant de transporter plus de 3 fois nos besoins réels (taux d'occupation moyenne de 1.2), pour 600 fois moins cher que le revenu minimum français (il faut 30 jours de travail humain pour fournir autant d'énergie que ce que contient 1l d'essence) efface toute contrainte de notre quotidien: on peut se déplacer partout quand on veut, sans se poser de question logistique.
Comme il n'y a pas de magie, ce mode de transport dépend d'une source d'énergie non inépuisable et dont le coût peut évoluer. Et lorsque des pénuries ou hausses se sont fait sentir ces derniers mois, notre dépendance à cette technologie a été mise en avant et est si avancée qu'il est, dans de nombreux cas, impossible d'envisager d'autres modes de transport.
En effet, possédant cet outil, la réponse à chaque déplacement est systématiquement la même: “voiture individuelle”. Quitte à se retrouver coincés des heures dans des bouchons, ramenant la vitesse moyenne de ce mode de transport à 16km/h (soit moins qu'un vélo).
Alors que sans voiture, la créativité est stimulée et chaque trajet a sa propre saveur: les petits trajets apportent la dose de sport quotidien, au son des oiseaux et dans les effluves des arbres fleurissants (ex: vélo); les trajets moyens permettent de faire des rencontres inattendues et d'élargir sa vision du monde (ex: covoit); les longs trajets laissent le temps de prendre du recul, se mettre à jour de sa liste de lecture, travailler, se reposer enfin (ex: train). Et il est bien entendu possible, voir encouragé, de coupler ces modes de transport entre eux pour arriver à destination!
Et si l'on a besoin de transporter des tas de choses? Et si l'on doit pouvoir rentrer à une heure tardive? La réponse “technologique”: “la voiture individuelle”.
La réponse “créative”?
Bien entendu il est impossible de vivre exactement de la même façon sans voiture. Mais faire autrement n'est pas forcément syonyme de dégradation de la qualité de vie : c'est la dépendance à la voiture qui nous empêche de voir les alternatives.
En voici quelques unes: concernant le transport d'objets, on peut se demander si tout est indispensable pour n'emporter que l'essentiel, on peut aussi se renseigner pour savoir si l'objet peut être disponible à destination, une chariotte peut être ajouté à son vélo, et enfin on peut utiliser une voiture en libre service ou en partage. Concernant le fait de rentrer tard, on peut organiser son emploi du temps en fonction des horaires de transports en commun, ou bien choisir de dormir sur place, ou en profiter pour visiter les lieux le lendemain.
Utopie ou futur ?
Ces alternatives ne vous conviennent peut-être pas ou ne sont peut-être pas adaptées à votre mode de vie. Vous me trouverez peut être utopiste ou “déconnectée”.
L'objet de ce texte est simplement de provoquer la réflexion concernant notre dépendance grandissante à la technologie et l'étiolement de notre créativité (s'accélérant avec ChatGPT) dont on a pourtant grandement besoin pour s'adapter.
Il n'est pas question de rejeter la technologie, mais le poison est dans la dose.
A quoi servent des technologies ou des intelligences artificielles qui nous privent de nos capacités innées? Alors les robots domineront peut-être le monde mais nous l'aurons choisi...

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